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Les chiffres de la disparition progressive de la communauté juive en Pologne sont parlants: en 1900 ils étaient 2,5 millions; en 1939, 3,46 millions; en 1946, il en restait 192'000; en 1956, 15'000; en 1968, 6'000 et aujourd’hui, ils sont environ 3'500.
En raison de la diminution dramatique, pour ne pas dire de cette annihilation quasiment totale de la communauté juive en Pologne, cet institut a aujourd’hui trois missions bien définies. La première, celle d’être le plus grand centre de documentation de l’héritage culturel juif polonais. La seconde, de servir de liaison entre les Juifs originaires de Pologne vivant aujourd’hui un peu partout dans le monde et leur pays d’origine. La troisième, très importante, a pour but de rétablir le véritable rôle joué par les Juifs dans l’histoire de la Pologne ainsi que leur apport extraordinaire dans tous les domaines, académique et du commerce. Il faut savoir que pendant toute la période du régime communiste, cet aspect de l’histoire de la Pologne a été complètement occulté, il était absent des cours d’histoire.
Pour le visiteur, deux aspects sont plus particulièrement intéressants: les archives et le musée. Les archives regroupent le plus important ensemble de documents sur l’histoire des Juifs de Pologne durant la Deuxième Guerre mondiale, réunis sur 700 mètres linéaires, dont la majorité concerne la période d’après-guerre. Y sont également réunis les documents communautaires et individuels relatifs à la vie communautaire d’avant la guerre. Les archives détiennent aussi 7300 témoignages de rescapés des camps en provenance de tous les ghettos, mais aussi de tous les camps, même des plus petits. Ils racontent aussi la liquidation sur place des petites communautés et les assassinats de leurs membres. Il y a aussi une description exacte de la destruction totale des communautés juives des villages de Jedwaben et de Radzilow par les Polonais non juifs. De nombreux témoignages racontent aussi l’assassinat, par des Polonais, de Juifs lors de leur retour après la libération dans leurs villages et leurs foyers.
La liste des documents, des journaux intimes, des noms des prisonniers de guerre, etc., est énorme et ne peut être évoquée dans son ensemble dans un bref article. Il faut toutefois noter que parmi ces nombreux documents se trouvent les archives des communautés juives de Vienne et de Prague ainsi que toutes celles de la Sicherheitspolizei et du Sicherheitsdienst allemands de Paris, qui comportent 785 cartes avec la description exacte des biens des Juifs spoliés.
Mais la partie la plus précieuse de cette collection, ce sont les archives Ringelblum, du nom de leur fondateur. Un groupuscule dirigé par cet illustre historien voulait documenter la vie quotidienne des Juifs sous l’occupation allemande, en particulier dans le ghetto de Varsovie. Toutes les informations en provenance de fugitifs ou de déportés des autres régions de la Pologne étaient soigneusement enregistrées, tous les documents relatifs à la politique de l’occupant, aux camps de la mort et aux ghettos étaient classés et répertoriés. Une partie des archives de Ringelblum a été cachée dans le ghetto même le 3 août 1942, pendant la grande déportation des habitants vers le camp de la mort de Treblinka; la seconde partie a été mise dans des boilles de lait dissimulées dans une école, et la dernière a été cachée dans un immeuble le 19 avril 1943, au cours de la dernière nuit de la révolte. Les deux premières parties ont été retrouvées dans le ghetto en ruine, respectivement en 1946 et 1950, la troisième est introuvable. En 1999, l’Unesco a inscrit les archives Ringelblum, qui comptent six mille documents répartis sur trente mille pages, sur la liste des œuvres les plus précieuses du patrimoine mondial.
Quant au musée, la première partie est consacrée au ghetto de Varsovie ; les étapes depuis la première ordonnance jusqu’à l’enfermement de près de 450'000 personnes dans le ghetto, avant leur extermination physique sur place ou dans les camps de la mort. Photos et documents racontent tous les aspects de la vie au quotidien dans le ghetto, y compris les activités culturelles, le travail d’esclave, la famine, les épidémies, l’entraide, la révolte armée, etc. La seconde partie est consacrée à l’art cultuel juif avec des objets, des imprimés, des textiles et même la reproduction de l’intérieur d’une synagogue. Toutefois, la majeure partie de la collection n’est pas exposée, elle est emmagasinée. L’autre volet présente surtout des peintures et des statues à caractère judaïque.
Un nouveau musée juif est prévu à Varsovie, avant tout virtuel et didactique. Même après son ouverture, l’Institut Historique Juif de Varsovie restera le seul établissement important de recherche sur l’histoire des Juifs de Pologne et ce aussi bien au niveau individuel que communautaire. Les deux institutions seront complémentaires pour perpétuer l’enseignement de la mémoire et de l’anéantissement des Juifs de Pologne.
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