vendredi 30 mai 2008

" RESISTER A AUSCHWITZ "

Par Noah Klieger, Journaliste sportif

Site internet : Yad Layeled - France

Noah Klieger est un homme robuste aux cheveux blancs qui tombent sur la nuque, un peu de Léo Ferré, il se raconte debout les mains posées sur le haut d’une chaise, il marche et nous dit qu’un boxeur se reconnaît à sa démarche ; il ne lève jamais les pieds, pour ne pas tomber.

Ce témoignage illustre la Résistance juive, partout où elle a pu se développer. Elle s’est particulièrement distinguée dans le passage des enfants en Suisse, ou les réseaux de passage vers la Palestine. La Résistance juive prouve quant à elle, que les Juifs n’ont pas été passifs et qu’elle s’est mobilisée principalement pour la survie,les faux-papiers, le sauvetage, et l’éducation. En cela, elle est une leçon d’humanisme et de militantisme.

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"Je suis arrivé en 1948 en Israël, j’étais volontaire à la guerre d’indépendance, quand dans la nuit, six armées ont attaqué Israël. Trois ans plus tôt, libéré par les soviétiques dans le Meklenburg où j’étais l’hôte du gouvernement de l’époque. J’avais été arrêté en octobre 1942 à Moukron sur la frontière franco-belge. Je suis né à Strasbourg en 1926 et j’y ai vécu jusqu’en 1938. Mon père était écrivain, journaliste et socialiste, il avait prévu une guerre mondiale, et c’est pourquoi il a envoyé un de ses deux garçons [1] en Angleterre dès 1935. A l’époque, il fallait être étudiant et être invité par une institution britannique, mon frère fut invité par une Yeshiva [2]. Moi, je n’ai pas pu partir lorsque je fus en âge, car l’Angleterre avait fermé l’immigration. Mon père décida d’aller en Belgique, déclarée neutre. Le Führer n’a pas apargné la Belgique, nous y fûmes bloqués. Mon père a créé un mouvement de Résistance belge, et je milite là, j’avais 14 ans. Nous aidions à faire passer des enfants vers la Suisse neutre par la France. Nous avons fait passer jusqu’à 300 jeunes.

J’ai 16 ans, je suis roux, je me déplace à bicyclette, je parle le flamand, et le français avec un accent belge, mon pseudonyme était Josef Herz, j’étais spécialiste de la communication avec les passeurs.

La Suisse n’était pas ce qu’on croyait, il fallait passer la frontière et entrer en Suisse, aller au village et là seulement on mettait les enfants en maison d’accueil. Sinon ils étaient refoulés.

Je fus arrêté dans un bistrot à Moukron, où j’avais rendez-vous avec un passeur pour le passage de deux filles autrichiennes. Dénoncé probablement. Je fus transporté le 15 janvier 1943, vers Auschwitz, avec des Hollandais, des français, des Belges, et je suis arrivé le 18 janvier 1943. On a tout de suite compris que ce n’était pas un camp de travail. Auschwitz appelé ainsi pendant 5 ans et demi, en haute-Silésie, était l’endroit de plus froid à -24°, après la Silésie.

Nous descendons du train. Trois hommes sont arrivés dont Mengele, le "docteur monstre". On nous dit de monter dans les camions [3], pour ceux qui ne voulaient pas marcher. Nous montons les premiers, le chauffeur, un volontaire serbo-croate nous dit, discrètement, d’en descendre.

Plus tard, dans la barraque, le commandant du camp est venu : "- Qui est boxeur ?", a-t-il crié, quatre hommes lèvent la main, deux champions d’Europe, néerlandais, un gardien de but belge et moi. Le Commandant du Camp Auschwitz 3- Monowitz, un fou de la boxe, organisait des combats sur la place du camp. J’ai tout appris de la boxe ; savez-vous comment se reconnaît un boxeur ? il marche [4] comme ça…les coudes serrés serrés contre sa poitrine, les poings près du visage, mais les deux pieds toujours à plat sur le sol afin de ne pas être déstabilisé, il avance comme ça…sans lever les pieds.

Personne n’est sorti d’Auschwitz si ce n’est par des miracles heure par heure.

J’ai travaillé aux usines de caoutchouc synthétique Buna, qui a donné son nom au camp. Quelqu’un pouvait survivre environ 8 à 12 semaines, après on devenait des "Musulmans", des squelettes vivants. Ce terme fut inventé au camp en rapport avec la physionomie du Mahatma Gandhi. J’ai connu trois gars qui ont survécu 4 ans, ils avaient sur leurs bras, des numéros à trois chiffres.

Je pars dimanche au Procès de John Irving qui se déroule à Vienne, pour témoigner. L’Autriche et l’Allemagne ont une loi pour juger les négationnistes.

Les 200 gr de ration quotidienne, nous l’appelions le "cube Auschwitz", le pain d’Auschwitz. Lorsque les premiers se jetaient sur la soupe de rutabaga, ils tombaient tant la puanteur était insoutenable. Nous, nous attendions la fin de la soupe pour avoir le fond où il y avait quelque chose à manger.

Les prisonniers politiques, les prisonniers de droit commun, les homosexuels, portaient des chaussures, ils étaient habillés et recevaient des colis. Ils n’étaient pas concernés par l’extermination, ils n’étaient pas sélectionnés. Ils avaient des contacts avec la Résistance polonaise. Aucun Juif ne pouvait se joindre à cette résistance du camp, les Juifs n’étaient pas acceptés.

La Révolte de Treblinka en 1943, dont 160 fuyards, la moitié a été massacrée par la Résistance Polonaise, parce que Juifs.

A la Libération, je suis fier d’avoir fait partie des membres de l’Exodus. Lisez le livre de Jacques Dérogy.

Auschwitz ne se raconte pas…tout ça n’est rien.

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[1] Mon frère est devenu Grand Rabbin après guerre.

[2] Ecole talmudique.

[3] C’était des "camions à gaz" qui exterminaient dans l’heure, tous les passagers.

[4] Noah joint la parole au jeu du corps.